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Ce matin du 9 mars 2018, des nuages menaçants encombrent le ciel d'Ătretat Seine-Maritime. Mais comme chaque jour, les visiteurs sont lĂ , Ă l'affĂ»t d'une Ă©claircie qui sublimerait la beautĂ© des monumentales falaises de craie blanche, le temps d'une le ballet des promeneurs, une silhouette se distingue dans la brume regard posĂ© sur l'horizon, Ă©paules tombantes et mains dans les poches, un homme se tient debout, immobile Ă l'extrĂ©mitĂ© d'une arĂȘte rocheuse⊠bien trop prĂšs du bord pour qu'il ne s'agisse que d'une simple en tout cas l'intuition immĂ©diate de l'adjudant P. dont l'Ćil averti a repĂ©rĂ© le dĂ©sespĂ©rĂ©, au loin. NĂ©gociateur en gendarmerie, le militaire est rompu aux situations extrĂȘmes obtenir la reddition de forcenĂ©s retranchĂ©s, raisonner des suicidaires. PrĂ©venus par des proches inquiets, nous avions rĂ©ussi Ă localiser cet homme grĂące Ă son tĂ©lĂ©phone portable, raconte l'adjudant P. Mais il refusait de laisser approcher quiconque. »Entre-temps, le militaire, qui a obtenu des informations personnelles sur le suicidaire, parvient finalement Ă nouer le contact. Le dĂ©but d'un long bras de fer psychologique pour tenter de briser les ressorts du passage Ă l'acte. Il durera deux heures, avant que l'homme n'accepte de rebrousser dâĂtretat, le 19 septembre./LP/Yann Foreix Louise ColcombetUne situation banale, ou presque, Ă Ătretat, que le suicide de Cyrille P., le 30 aoĂ»t dernier, a toutefois contribuĂ© Ă mettre en lumiĂšre. Le corps de ce riche homme d'affaire, proche des frĂšres Bogdanov, avait Ă©tĂ© retrouvĂ© Ă l'aplomb d'une falaise Ă BĂ©nouville, une commune voisine. L'homme se trouvait au cĆur d'une affaire sulfureuse, dans laquelle les jumeaux de Temps X » ont Ă©tĂ© mis en examen en juin. Ils sont suspectĂ©s d'avoir soutirĂ© Ă leur ami » 1 million d'euros en le convainquant d'investir dans divers projets plus ou moins fumeux, alors mĂȘme que, selon la justice, Cyrille P. Ă©tait dĂ©pressif et dizaine de suicides chaque annĂ©eUne mĂ©diatisation dont Catherine Millet, la maire, redoutant un effet de mimĂ©tisme, se serait bien passĂ©e. C'est malheureusement une rĂ©alitĂ© que j'ai toujours connue, mĂȘme enfant », dĂ©plore l'Ă©lue. Haut lieu touristique, Ătretat attire chaque annĂ©e un million de visiteurs, fascinĂ©s par ces falaises Ă la dĂ©coupe extraordinaire et leurs promontoires de plus de 70 mĂštres qui tombent Ă pic dans la chiffre qui en cache un autre, plus sombre entre 10 et 15 personnes s'y suicident chaque annĂ©e. Un taux prĂšs de cent fois supĂ©rieur Ă la moyenne nationale, auquel il faut ajouter les nombreuses tentatives. Ce sont toujours des drames, insiste Catherine Millet. MalgrĂ© tout, certains vous remuent encore plus que d'autres⊠» soupire la maire, profondĂ©ment marquĂ©e par le cas de cette femme qui avait sautĂ©, l'avant-veille de NoĂ«l 2009, son bĂ©bĂ© ĂągĂ© de 20 mois dans les bras ⊠Ou encore celui de ces deux femmes, mĂšre et fille ĂągĂ©es de 45 et 20 ans, originaires de l'Aube, et mortes, ensemble, en janvier 2016. Le plus souvent, ces personnes viennent de trĂšs loin, confirme Pierre-Antoine Dumarquez, premier adjoint et prĂ©sident de l'office de tourisme. Pour beaucoup, elles sont originaires de rĂ©gion parisienne, mais aussi du Nord, de Belgique, ou mĂȘme d'Allemagne⊠»On ne s'habitue jamais, on ne peut pas»Pourquoi Ătretat ? Cette question, les proches des dĂ©funts nous la posent souvent. Conduire des centaines de kilomĂštres ou prendre un billet de train pour venir mourir prĂ©cisĂ©ment ici⊠Pour moi, ça reste un mystĂšre », soupire l'adjudant Alain Lepiller. Ă 52 ans, dont vingt-cinq en exercice Ă la communautĂ© de brigade toute proche de Criquetot-L'Esneval, le gendarme a Ă©tĂ© confrontĂ© Ă des dizaines de cas dans sa plus souvent, des dĂ©sirs d'en finir que les militaires parviennent Ă contrecarrer. Encore faut-il arriver Ă temps. La gĂ©olocalisation du tĂ©lĂ©phone portable â quand il n'est pas Ă©teint â nous indique simplement que la personne se trouve quelque part sur la commune, dĂ©taille Nicolas Meuland, qui commande la compagnie de FĂ©camp. C'est alors une course contre la montre pour la retrouver, tout le monde est sur le pont. On est lĂ au cĆur de notre mission sauver des vies. »Le gendarme Alain Lepiller a Ă©tĂ© confrontĂ© plusieurs fois Ă des suicides et tentatives, Ă Ătretat. /LP/Yann Foreix Louise Colcombet On ne s'habitue jamais, on ne peut pas », insiste Alain Lepiller, relatant l'Ă©pisode d'un homme introuvable malgrĂ© d'intenses recherches. J'avais perdu espoir quand soudain, sur la falaise, je l'ai aperçu. Je lui ai dit Mon gars, si tu savais comme je suis content de te voir⊠Il est tombĂ© dans mes bras, en pleurs. J'Ă©tais dans le mĂȘme Ă©tat que lui. »La psychologie ne suffit pourtant pas toujours. Dans l'urgence, il arrive que les dĂ©sespĂ©rĂ©s soient ceinturĂ©s pour les protĂ©ger d'eux-mĂȘmes. Certains se dĂ©battent, nous hurlent de les laisser mourir⊠» poursuit le gendarme. Parfois aussi, leur volontĂ© est trop forte. Ainsi de cette jeune fille, raisonnĂ©e au terme de dix-huit heures de nĂ©gociation, qui se jettera finalement du mĂȘme endroit, quinze jours plus tard.Quand il nous a vus arriver, il a couru pour sauter» Dans ce cas-lĂ , il reste toujours une part d'Ă©chec, mĂȘme si on sait qu'on a fait notre travail », regrette l'adjudante-chef Christelle Aubry. Il y a un an, un homme qu'elle et ses deux collĂšgues pensaient sauver s'est prĂ©cipitĂ© dans le vide, sous leurs yeux. Il Ă©tait en ligne avec des proches. Quand il nous a vus arriver, il a posĂ© le tĂ©lĂ©phone par terre, nous a dit au revoir et a couru pour sauter. C'est une scĂšne qu'on ne peut pas oublier. »Des cas qui tĂ©moignent d'une dĂ©termination difficile Ă endiguer, qui plus est en raison de la configuration des lieux. Ces personnes trouveront, quoi qu'il arrive, un moyen de parvenir Ă leurs fins, se dĂ©sole Pierre-Antoine Dumarquez. Des panneaux indiquent clairement le danger, mais on ne peut guĂšre faire plus il s'agit d'un site naturel, fragile qui plus est⊠» Et encore, il faudrait mettre des barriĂšres du Havre Ă Dieppe », abonde, fataliste, Thierry y a aussi ces corps rejetĂ©s par la mer Ă qui il faut rendre une identitĂ©. Des personnes isolĂ©es dont personne n'a signalĂ© la disparition, si ce n'est un promeneur qui aura dĂ©couvert un sac, une paire de chaussures ou un agenda, au bord du prĂ©cipice. Des corps abĂźmĂ©s, dont les clichĂ©s encombrent les tĂ©lĂ©phones portables des militaires, chargĂ©s des premiĂšres fait, Ă Ătretat, le bruit des sirĂšnes et celui de l'hĂ©licoptĂšre de la SĂ©curitĂ© civile sont toujours synonymes d'un morne prĂ©sage. Quand les gendarmes passent la porte et nous prĂ©sentent une photo, on sait », rĂ©sume Thierry Maison. PropriĂ©taire du New Windsor, Ă©tablissement familial de dix chambres, l'homme a connu six suicides en vingt ans parmi ses pensionnaires, dont deux rien qu'en 2018. On se demande toujours ce qu'on aurait pu faire ou dire pour Ă©viter ça⊠» souffle-t-il. Il y a bien ces signes qui peuvent alerter une personne seule, qui rĂ©serve une nuit, avec pour seul bagage un sac en fois, des suicidĂ©s ont sĂ©journĂ© Ă lâhĂŽtel de Thierry Maison avant de passer Ă lâacte. /LP/Yann Foreix Louise ColcombetMais l'Ăąme humaine est insondable. Thierry Maison reste ainsi marquĂ© par cette jeune femme d'une trentaine d'annĂ©es avec qui il avait agrĂ©ablement conversĂ© un aprĂšs-midi, au sujet d'un musĂ©e qu'elle venait de visiter. Le soir, elle a dĂźnĂ© ici, tranquillement⊠elle ne laissait rien paraĂźtre. » Quelques heures plus tard, elle se faufilera pourtant dans la nuit, pour ne jamais revenir. Quand on a ouvert sa chambre, le lendemain, ses affaires Ă©taient soigneusement pliĂ©es, sa lettre d'adieu posĂ©e sur la table, se remĂ©more-t-il. Elle avait mĂȘme louĂ© un parking privĂ© pour y garer sa voiture. J'ai su par la suite qu'elle Ă©tait chĂŽmeuse en fin de droits, sans mari, sans enfant. »La splendeur des lieux et la misĂšre des hommesDĂ©pressions, maladie, solitude⊠Les raisons qui aimantent les personnes en dĂ©tresse sur cette portion de la CĂŽte d'AlbĂątre sont, tristement, les mĂȘmes qu'ailleurs. Mais, suppose Pierre-Antoine Dumarquez, pour certains, c'est peut-ĂȘtre un lieu qui leur rappelle leur enfance. En regardant l'Ă©tat civil, on se rend compte que plusieurs d'entre eux, s'ils vivaient ailleurs, Ă©taient en fait nĂ©s dans la rĂ©gion. Pour d'autres, on sait qu'Ătretat est associĂ© Ă de bons souvenirs. »Etretat, le 19 septembre./LP/Yann Foreix Louise ColcombetAllongĂ©e dans l'herbe sur un promontoire surplombant la mer, Carla, admire, pensive, le soleil couchant, en cette fin d'aprĂšs-midi de septembre. Un spectacle fabuleux qui ne lui fait pas oublier ce que ces falaises peuvent revĂȘtir de mĂ©lancolie. La jeune femme de 25 ans, venue du Val-d'Oise, en connaĂźt la face sombre c'est ici que le petit ami de sa cousine est dĂ©cĂ©dĂ©. Toute la journĂ©e, j'ai eu une pensĂ©e pour lui, en me demandant d'oĂč il avait pu sauter⊠» confie matin Ă l'aube, le jeune homme avait rejoint la gare parisienne de Saint-Lazare, pris son billet pour le premier train, chargĂ© son vĂ©lo Ă bord. Il avait ensuite pĂ©dalĂ© jusqu'aux falaises pour achever son funeste itinĂ©raire. Ătretat, a-t-elle appris par la suite, Ă©tait un lieu qu'il affectionnait tout particuliĂšrement. Il souffrait de dĂ©pression depuis de longues annĂ©es, reprend-elle. La seule chose qui a rendu sa mort moins triste pour ma cousine, finalement, c'est de savoir que ça s'Ă©tait passĂ© ici. »
EwMh. 492 458 455 311 340 155 194 493 157